La ritualisation est la pierre angulaire des interactions. Il s'agit des séquences fantasmées ou agies qui structurent la temporalité et concourent à la construction du réel. En ce sens, elles ont un rôle de protection fondamentale contre la menace chaotique. La création de rituels est inhérente à chaque être vivant, structurant la cohérence de sa propre vie et sa relation avec les autres ; dans le système collectif, elle permet la survie de l'espèce en guidant les interactions du groupe évoluant en milieu complexe. Au niveau des groupes humains, les rituels peuvent être érigés en mythes identitaires ; ces mythes génèrent à leur tour et font perdurer les rituels et les interactions.
Les interactions concrétisent les stratégies individuelles ou collectives du Vivant, les forces évolutives de la Matière ; elles laissent des empreintes visibles ou secrètes. L'équilibre est subtil et les forces antagonistes se confrontent en permanence pour osciller autour d'un équilibre toujours fragile ; il y a un continuum paradoxal entre le Vivant et la Matière; l'émergence de l'un est consubstantiel de l'autre.
Certains rituels sacrifiant les individus, source de souffrances indicibles, assurent en fait paradoxalement la préservation de la vie à travers les générations, ou bien rassemblent le groupe en danger de déstructuration. Ainsi, la protection assurée par la ritualisation, n'est jamais loin de la destruction. L'intérêt supérieur de l'espèce exige souvent le filicide.
Une énergie particulièrement tenace dans la cohésion et la dynamique des interactions du Vivant, est l'attachement. Il est indissociable de la reconnaissance de l'identité de l'autre, de la différenciation. Ce besoin identitaire, ferment de la cohésion du groupe est aussi celui des génocides, où sévit l'indifférenciation. La sensation de vie est une recomposition en temps réel, mais aussi mémorielle et projective, d'une infinité d'empreintes des séquences infimes interactionnelles, entrelacées et juxtaposées. La répétition incessante de ces séquences en des formes quasi-identiques, constitue peu à peu une trame, puis une forme globale, fractale, de la vie.
CERTIFICATION ARTTRUST
Beaucoup d'altérités nous semblant familières
Scandent la vie des hommes, sèment les lendemains
Répétitifs, changeants, ces blasons âpres et fiers,
Infimes et tatillonnes fractales...
Nous pourrions
Nous fondre en eux, aveugles, rire aux anges et partir
Ils nous appellent, nous captent, nous tracent le chemin,
Creuset sans cesse nourri, de ces lauriers surgissent
Hagards et triomphants, d'étincelants linceuls
FRACTALE DOMESTIQUE DU 17 novembre 1989 ou DOUBLE CONTRAINTE INTERNE RECIPROQUE
Support : photo argentique couleur premium haute réflexion Fuji 310g ; Format Tirage : 70x96 cm
EXODES (BLASONS DES HEURES)
Support : Fine Art Baryté Hahnemühle 315g ; format tirage : 70x111 cm
LA RESTRUCTURATION
Support : photo argentique couleur premium haute réflexion Fuji 310g ; format tirage : 70x96 cm
APRES L'EXTASE
Support : Fine Art Baryté Hahnemühle 315g ; Format tirage : 70x96 cm
LINCEUL DES GRANDS JOURS
Support : texturé Arches aquarelle 310 g ; format tirage : 40x56 cm
LINCEUL DES JOURS ORDINAIRES
Support : texturé Arches aquarelle 310 g ; format tirage : 40x56 cm
LA DENTELLE DU TEMPS
Support : Fine Art Baryté Hahnemühle 315g : format tirage : 70x100 cm
NOCES DE PLATINE ou FRACTALE DOMESTIQUE 25550
Support : Classic RC brillant Ilford 290g ; format tirage : 60x83 cm
LE PARFUM DES ETOILES
Support : Fine Art Baryté Hahnemühle 315g ; format tirage : 40 x 55 cm
LA TRIPLE ALLIANCE (TRIANGULATION PERVERSE)
Support : Classic RC brillant Ilford 290g ; format tirage : 40 x 60 cm
PETIT LINCEUL DES JOURS ORDINAIRES 1
Support : texturé Arches aquarelle 310 g ; format tirage : 30x42 cm
PETIT LINCEUL DES JOURS ORDINAIRES 2
Support : texturé Arches aquarelle 310 g ; format tirage : 30x42 cm
PETIT LINCEUL DES JOURS ORDINAIRES 3
Support : texturé Arches aquarelle 310 g ; format tirage : 30x42 cm
PETIT LINCEUL DES JOURS ORDINAIRES 4
Support : texturé Arches aquarelle 310 g ; format tirage : 30x42 cm
PETIT LINCEUL DES JOURS ORDINAIRES 5
Support : texturé Arches aquarelle 310 g ; format tirage : 30x42 cm
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1918-1938 ;
(Sangs de l'héroïsme conjugal)
C'étaient de très grands sangs, c'étaient de très grands bougres
Mariés adultescents, les joues moirées de foudres
A peine nés tissés au labeur harassant
Cors fifres et tambours, accordéons grinçants
Ils s'appelaient Auguste, Adrien ou Henri,
Honoré, Célestin, Armand, Joseph-Marie
Fastes blasons choisis dans la mitan du lit,
Ils étaient empereurs, conquistadors, messies,
Nimbés des noms des morts, transfigurés des mères;
Beaucoup ensevelis tailladés pourrissant
Déchiquetés, épars, morcelés, pèle mêle
Mais ceux-ci survécurent ; ils se croyaient vivants
Héritiers héroïques un noir flambeau dressant
Espérant rebâtir le peuple clairsemé
Ils portaient haut le front, droits et roides, puissants
Il suffisait d'un bal pour verrouiller sa vie;
Fruit de l'amour d'un soir l'embryon grimaçant
Ils pensaient reconstruire - fini la chair à tordre,
A féconder la terre les entrailles offertes -
Ils ignoraient du Mythe, le retour triomphant.
AUTO-ASSEMBLAGES
Cascade en huit plans
Déraciner
Convoyer
Réceptionner
Incarcérer
Rêver le territoire
Coloniser
Construire
Déconstruire
Il s'agit d'une métaphore esthétique de la cascade événementielle qui apparaît au cours des grandes migrations de populations soumises à des contraintes vitales par une autorité extérieure.
L'auto-assemblage est un mécanisme fondamental de la matière vivante et non-vivante, qui produit des structures complexes à travers des interactions entre des composants simples ; et permet ainsi de passer de la molécule inerte à la vie.
Cette notion s'intègre dans le cadre plus large et transdisciplinaire de l'auto-organisation.
Ce même phénomène est observé par les physiciens, les biologistes, les anthropologues et les sociologues; du fait du grand nombre d'éléments couplés par leurs inter-connexions, des interactions simples au niveau microscopique peuvent produire des éléments complexes au niveau macroscopique, éventuellement adaptés aux situations inédites.
Ces nouvelles structures ne sont pas prévisibles à partir des éléments simples : il s'agit d'un phénomène d'émergence, du surgissement d'un niveau d'organisation supérieur.
Si un système auto-organisationnel est capable d'engendrer du nouveau, c'est parce qu'il a la capacité de s'adapter aux événements aléatoires qui l'agressent, de les assimiler en modifiant sa structure. La création de cette nouvelle structure de complexité supérieure se fait sans intervention d'un programme ou d'un ordre supérieur.
L'auto-organisation peut se produire à n'importe quelle niveau de la suite des événements.
L'arrachement à la terre natale est un événement « catastrophe » car il change fondamentalement le cours de la vie, la nature de l'organisation sociale, des représentations individuelles et collectives.
Les individus ou les groupes pourraient au fil du temps, reconstruire une méta-réalité à travers les processus mémoriels, en confrontation aux conditions réelles de survie.
Dans la perte de la fonctionnalité sociale, des repères rituels et culturels, sous la forte contrainte externe et interne imposée par le camp de rétention, des phénomènes d'auto-organisation pourraient voir le jour à tous les niveaux des individus, familles, sous-communautés incarcérés.
Qu'il s'agisse de concevoir un squatt dans l'urgence, de rêver et se représenter un possible territoire de vie future, de construire une première organisation du territoire, pour luter contre le processus de deshumanisation qui a conduit au regroupement forcé. On se plait à imaginer un nouveau territoire qui s'auto-organise, que ce soit dans une dimension métaphorique ou bien dans la réalité de la vie quotidienne en milieu concentrationnaire qui apporte son lot IMPREVISIBLE ET ALEATOIRE de contraintes, mais aussi d'opportunités.
Paradoxalement, il s'agit d'un système qui présente toutes les caractéristiques théoriques permettant l'auto-organisation.
1-une organisation hiérarchique à plusieurs niveaux : se côtoient, coexistent et interfèrent des individus, familles et petits groupes issus de sociétés, nationalités, trajectoires, origines et langages variés.
2-l'existence de perturbations aléatoires d'événements imprévus;
3-un fort niveau de redondances qui assurent la stabilité, sans quoi le système pourrait sombrer dans le chaos désorganisateur.
Deux axes en interaction permanente:
-stabilité culturelle et rituelle de sous-groupes;
-contraintes répétitives et monomorphes des processus d'enfermement.
L'ensemble de ces phénomènes se produit bien entendu en inter-relation avec l'écosystème représenté par les structures coercitives qui organisent au dehors du camp la rétention, mais aussi avec les populations locales aux alentours.
Il y a en même temps désorganisation et réorganisation, construction et déconstruction, ordre et désordre, indépendance et dépendance, dans une relation dialectique du système des « incarcérés » avec celui des « incarcérateurs ».
La séquence événementielle, après l'émergence de la création d'un territoire collectif, s'achève sur une dé-construction ; celle ci peut être le fait de l'organisme externe mais aussi de la décision des individus, de fuir pour reprendre l'errance.
Certains sont exhalés des fureurs de la terre
Harcelés de contraintes et de pressions extrêmes,
Assemblages improbables arrachés aux entrailles
Chimériques chimies, exils cosmogoniques
Matière noire, clartés, symbioses symphoniques,
Énergies disparates, artifices d'étoiles,
Tous intrinsèquement substances de nous-mêmes.
Car je sais qu'il n'y a pas de vie sans CONVOIS.
Pas de vie, mais aussi pas de mort.
Pas d'évolution, pas de création pas de liberté d'aller.
Pas de discrimination, pas d'arbitraire, pas d'exclusion.
Pas de système politique, pas d'idéologie, pas de projet sociétal.
Pas d'éducation des jeunes, pas de corruption des esprits, pas d'enrôlement, pas de délégation.
Pas de génocides, pas d'extermination, d'expatriation, d'exil, pas de royaumes,
Pas de charniers, pas de famines, pas de moissons.
Sans convois...
Pas de conquêtes, d'actions héroïques, pas de sursauts désespérés.
Pas de solidarités, pas de fiertés, pas de rituels, pas de mythes.
Pas de liesse populaire, pas de transmission, pas de mémoire, pas de commémorations,
Pas d'histoires entre les générations, pas
de ritualisation des liens.
Pas de création épistémique ni de fulgurances exaltées.
Pas d'amour. Pas de complexité. Pas de magnificence.
Car je sais que dans les convois, pour ceux du dehors, ceux du dedans sont tous pareils.
Inidentifiables, mêlés, encastrés, enchevêtrés.
S'ils étaient différenciés, il ne serait pas envisageable d'en faire des cohortes soumises et serviles.
Ils ne sont pas identifiables pour ceux qui organisent le convoi. Qui entassent. Qui les marquent au fer rouge.
Car je sais aussi que ceux du dehors font intrinsèquement partie de ceux du dedans.